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Présidentielle américaine : la mue de Kamala Harris

Certains signes ne trompent guère, lorsqu’il s’agit de Donald Trump. En assurant le 11 septembre que le débat qui l’avait opposé la veille à Kamala Harris avait été « truqué », l’ex-président a fait l’aveu qu’il n’avait pas brillé face à la solide prestation de la candidate démocrate à la présidentielle du 5 novembre. La vice-présidente était particulièrement attendue, et elle n’a pas déçu son camp.
Après s’être avancée au-devant de son adversaire dès les premiers instants du débat pour le contraindre à une poignée de main qu’il n’avait pas anticipée, elle a joué habilement de l’ego démesuré du républicain pour l’attirer dans des chausse-trapes dans lesquelles il s’est invariablement empêtré, qu’il s’agisse de la qualité de ses meetings de campagne ou de sa fascination pour les dictateurs.
Ce faisant, Kamala Harris a continué de progresser sur la voie d’une mue politique spectaculaire. La décision de Joe Biden de se retirer de la course présidentielle, le 21 juillet, après un débat catastrophique avec l’ancien homme d’affaires, a en effet transformé en moins de huit semaines une vice-présidente un peu falote, affligée d’une médiocre popularité, en candidate adulée par le camp démocrate, capable pour la première fois depuis longtemps de rassembler des foules considérables séduites par un discours volontariste tourné vers l’avenir.
Le débat du 10 septembre a aussi montré, en revanche, que cette mue restait pour l’instant inachevée. Les conditions précipitées et rocambolesques de son investiture n’ont en effet pas permis à Kamala Harris d’élaborer le projet politique mûrement réfléchi, traditionnellement poli lors des primaires, qui donnerait tout son sens à sa candidature. Sa réticence à s’exposer aux questions (elle n’a accordé qu’un entretien depuis le renoncement du président) laisse entières les interrogations sur ses objectifs et les moyens d’y parvenir.
Il s’agit tout d’abord de ses réponses souvent jugées insuffisantes aux questions qui taraudent les électeurs : l’économie, même si l’inflation est actuellement en net repli, ou encore l’immigration, le défi auquel bien des gouvernements de pays occidentaux sont confrontés. Kamala Harris ne s’est pas non plus attaquée franchement à une autre gageure : l’articulation de sa candidature avec l’administration dont elle a fait partie pendant plus de trois ans et demi, et dont le bilan est jugé sévèrement par les électeurs américains.
Après une entrée en campagne réussie, une convention d’investiture fédératrice et un premier débat abouti, Kamala Harris doit aller plus loin pour entretenir et surtout renforcer la dynamique qui la porte. Un débat réussi en septembre n’est pas la garantie d’un succès en novembre, Hillary Clinton a pu le mesurer à ses dépens en 2016, et les mesures d’intentions de vote confirment que la course présidentielle reste pour l’instant particulièrement incertaine dans les Etats-clé.
Jusqu’à présent, la démocrate a su jouer en virtuose du soulagement de son camp après le retrait de Joe Biden, qui se dirigeait vers une défaite inévitable du fait de son âge et de ses limites physiques. Il lui faut convaincre désormais les rares indécis, dans un pays profondément coupé en deux, qu’elle est la mieux armée pour répondre à leurs préoccupations. La candidate doit encore donner du corps et de la consistance à ce que pourrait être une présidence Harris.
Le Monde

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